Nous venons de traverser la province orientale d'Iberia en direction du nord pour nous approvisionner auprès de notre comptoir de Barcelone. Isaac nous y accueille et n'est pas ravi de devoir changer ses prévisions de distribution de vivres.
Inigo s'emploie à organiser le choix et la préparation des marchandises. Je ne suis que peu d'utilité à ces activités: je trouve un grand paradoxe à nous perdre dans ces activités de marchands humains alors que nous disposons des pouvoirs de la nuit. Nous avons été damnés pour cela.
L'oisiveté du voyage a laissé bien trop de temps en pâture de mes regrets. Je me suis enfin décidée à écrire à Marcella. Je veux retranscrire une copie de cette lettre ici, avant de la faire parvenir à Saragosse :
A Marcella Ignatio, Prince de Zaragoza
5 décembre 1205, quelque part non loin de ValenciaVotre altesse,
Après moultes hésitations, j'ose enfin saisir la plume et affronter le néant de la page afin de vous écrire.
Si cette lettre vous offense en elle-même, veuillez pardonner son audace, car elle est mue par le regret et nullement par la maladresse.
Depuis mon départ de votre cité, votre délicat souvenir me hante, et je n'ai jusqu'ici pas eu la bravoure de vous écrire.Je ne souhaite pas vous contraindre à revenir sur les tristes événements qui nous ont séparé. C'est un privilège que j'abandonne à votre gré.
Je souhaite seulement vous féliciter pour avoir acquis une fonction qui, je le crois et je l'espère, vous réussira autant qu'à votre cité. Ce que j'apprends m'affirme que Saragosse bénéficiera de votre règne.Je comprendrais que vous jugiez ces mots pleins d'ironie mais j'implore votre altesse à se souvenir que si je n'ai pas eu le courage de vous offrir ma loyauté, ma franchise, elle, ne vous a jamais fait défaut.
Puisse votre altesse avoir supporté la lecture de ces lignes et compris la limpidité des sentiments qui les animent.
Je vous en prie, veuillez voir en moi votre amie.E.
Un messager portera ce parchemin sous peu jusque dans les mains de mon idylle. Puisse-t-il ne recontrer aucune complication, je sens qu'une part de ma destinée est dans ce papier.
Nous reprendrons bien vite la route. J'ai soif, et j'ai faim d'un corps nu.